Portrait RSE n°24: La Boulangerie Française

Le développement économique du Vietnam et l’élévation de sa classe moyenne s’accompagnent d’une croissance du tourisme qui dynamise le secteur de la boulangerie artisanale européenne dans le pays. Le Vietnam faisant déjà fasse à un manque conséquent de main d’œuvre qualifiée, les débouchés sont nombreux pour les jeunes formés dans le secteur et leur assure une sécurité d’emploi.

La trajectoire des pays voisins (Japon, Corée, Chine) confirme également que la boulangerie artisanale européenne est un métier d’avenir.

"Donner un sens à sa vie et à celles des autres peut se faire en se faisant plaisir. Il est possible à la fois d’être gourmand et d’aider son prochain. “We bake for change. You eat for change.”
- Van Trinh, chef de projet La Boulangerie Française, une entreprise sociale de l’IECD

1 - Pouvez-vous expliquer votre activité en quelques mots ?

La Boulangerie française, un projet de l'IECD - une ONG française présente au Vietnam depuis 12 ans, a pour but de sortir de la précarité les jeunes vulnérables. Depuis 5 ans elle opère, en partenariat avec un collège technique vietnamien, un centre de formation professionnelle à la boulangerie traditionnelle et artisanale française. Cette formation répond à la fois aux besoins grandissants du secteur de l’hôtellerie, restauration et F&B de compétences en boulangerie de pointe et à ceux d’insertion sociale et professionnelle d’une jeunesse marginalisée dont notamment des jeunes femmes et ou de minorités ethniques.

L’internat ainsi que la formation, entièrement financés par l’IECD, permet d’accompagner 20 jeunes par an via un apprentissage de type CAP français de 12 mois sur site suivi de 6 mois de stage auprès d’employeurs partenaires (dont notamment Fusion, Accor, Six Senses, Bakes Saigon, Marou, Central Retail, Le Square, The Cocoa Project, …).

2 - Avez-vous déjà mis en place un projet RSE sur l'environnement ou les questions sociales dans votre entreprise au Vietnam ?

Tout d’abord, La Boulangerie française n’est pas une boulangerie traditionnelle mais une entreprise sociale. Cela signifie que les produits vendus sont intégralement fabriqués par les étudiants et la totalité des revenus générés sont réinvestis dans le financement de leur formation. Ce modèle d’entreprise sociale a été choisi dès le départ pour permettre l’autofinancement de l’école et assurer sa pérennité sur le long-terme.

L’école opère de la manière suivante :

  1. L’identification des étudiants qui s’opère par deux moyens : les candidatures spontanées (grâce au bouche à oreille) ou par l’intermédiaire d’une association locale/ONG internationale. Jusqu’alors le programme a touché les jeunes de 35 des 63 provinces du pays.
  2. L’entretien de sélection. Les critères sont les suivants :
    - 18 ans minimum
    - motivés pour soutenir leur famille et faire quelque chose de leurs mains
    - critère socio-économique : famille vulnérables (revenus inférieurs à 5 millions VND/mois/foyer), sans accès à l’éducation supérieure

La formation est découpée en 3 étapes de 6 mois. Les 6 premiers mois sont consacrés à l’apprentissage des fondamentaux. S’en suit 6 mois ou les anciens étudiants vont mentorer les nouveaux venus tout en poursuivant leur apprentissage. En plus des acquis techniques, un focus est fait sur l’acquisition de compétences de vie pour permettre l’autonomisation des jeunes (soft skills, culture générale…). En produisant pour une véritable clientèle, cette formation permet également aux jeunes de pratiquer selon les besoins et variations du marché, d’être au contact direct des clients et donc de développer leurs compétences en anglais et en vente et de renforcer leur employabilité.

A l’issue des 12 premiers mois se tient l’examen final avec un jury de professionnels. La validation des acquis donne le sésame pour un stage de 6 mois au sein d’un employeur partenaire et 90% des stages sont convertis en un emploi par la suite. Après être passé par cette formation, 85% des anciens étudiants sont encore aujourd’hui dans le secteur et certains sont numéro 2 en cuisine ou demi-chefs en boulangerie-pâtisserie.

Au sein de l’entreprise, des choix en matière de RSE ont également été fait :

  1. La promotion d’une consommation plus raisonnée, raisonnable et de qualité. Encourager l’anticipation des besoins pour rassembler les commandes de la semaine en proposant un panier hebdomadaire à l’image des paniers de légumes.
  2. Un engagement écologique avec le choix d’un packaging éco-responsable qui peut être consigné, la salarisation d’un unique livreur et l’organisation de son parcours pour limiter les déplacements et son empreinte écologique.

Le saviez-vous ? 

Selon la définition de la commission européenne, une entreprise sociale définit une structure dont l'objectif social ou sociétal d'intérêt commun est la raison d'être de l'action commerciale" ; les entreprises dont les bénéfices sont principalement réinvestis dans l'activité ; et enfin celles "dont le mode d'organisation et le système de propriété reflètent la mission, s'appuyant sur des principes démocratiques ou participatifs, ou visant à la justice sociale".

Ainsi, ce n’est pas la génération de profit ou non qui définit une entreprise sociale mais le choix de son allocation à la communauté.

​​​​​​​3 - Quel type de conseils pourriez-vous donner à d'autres entreprises au Vietnam pour lancer un tel projet de RSE ?

  1. Mon premier conseil est de projeter son projet sur le long-terme. Pour qu’il soit durable, il faut que son modèle soit pérenne et qu’il bénéficie à un maximum de parties prenantes.
     
  2. Un second point clef est de ne pas impérativement chercher à être complètement autonome mais plutôt de trouver le bon équilibre entre les sponsors, les donations et les activités génératrices de revenu. Il ne s’agit pas simplement de recevoir des fonds mais de toucher des personnes aux intérêts convergeant, de bénéficier de leurs expertises et de leur réseau tout en augmentant sa visibilité.

    Le modèle KOTO (Know One, Teach One) au Vietnam incarne ce modèle d’ONG ou la place de la communauté est centrale à la fois dans le cœur du projet et dans les bénéfices

     
  3. Un autre sujet important est de penser à la mission sociale sur tous les niveaux de l’entreprise et pas seulement dans le produit ou le service final. La partie opérationnelle peut également être repensée pour être plus durable : produire à la commande pour réduire les déchets, créer des circuits de livraison logiques pour réduire les déplacements… Au-delà d’inciter les clients à changer leurs habitudes pour qu’elles soient plus écologiques, cela réduit les dépenses et donc augmente la contribution de l’entreprise à son objectif social.
     
  4. Un dernier point spécifique au Vietnam est que les entreprises sociales au sens légal du terme ne possèdent pas d’avantages lié au statut. Il est donc plus facile aujourd’hui de créer une entreprise classique et d’en repenser la mission sociale.
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